Le crépuscule de nos croyances

« Nous sommes la première victime de nos biais cognitifs »

Les biais cognitifs sont des déformations de notre perception de la réalité. D’ailleurs la sagesse populaire ancestrale a très bien identifiée ce phénomène.

« Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir » ; souvent nous nous abusons nous même »

 

Nous procédons en sélectionnant les arguments qui vont dans le sens de ce que l’on pense omettant les autres informations.

 

L’histoire d’Élisabeth Holmes ex égérie de la « Silicon valley » mérite d’être racontée. Un tribunal vient de la condamner à 11 ans de réclusion criminelle.

 

70% des diagnostics des médecins se fondent sur des analyses médicales. Autant dire que si les laboratoires qui produisent ces analyses donnent de faux résultats ce sont les vies des patients qui sont en jeu.

 

Theranos était cette entreprise qui prétendait fournir au marché des machines de tests sanguins fiables, à partir d’une goutte de sang pris sur le bout de ses doigts.

 

Fini les tubes et seringues que les patients n’aiment pas franchement.

 

Avec un discours formaté sans oublier la séquence émotion ; Élisabeth Holmes expliquait à qui voulait l’entendre que cela permettrait de préserver les personnes que l’on aime. Désormais le suivi médical devenait indolore, rapide, fiable, peu cher…

 

Une belle histoire non ?

 

Sauf que sa machine sensée réaliser ses tests donnait de faux résultats et ne détectait même pas les virus et cancers…

 

Au pic de sa notoriété l’entreprise était valorisée 9 Milliards de dollars et Élisabeth Holmes créditée de 3,5 Milliards de fortune personnelle et cela à 30 ans…

 

On ne comptait pas moins de 4 secrétaires d’état Américains dans le conseil d’administration ; avec de tels parrainages et une si belle histoire portée par une jeune femme, qui mimait Steve Jobs son idole jusque dans la façon de s’habiller, le piège pouvait se refermer sur les investisseurs et notre crédulité.

 

Quelles sont les leçons que nous pouvons tirer de l’affaire Theranos ?

1.

Nous aimons les « contes de fées »,

Notre biais de confirmation à l’œuvre

Pendant 7 années les comptes n’ont pas été certifiés.

 

Aucun des membres du conseil d’administration n’a bougé. Le biais de confirmation, que nous portons toutes et tous en nous, est un mécanisme assez redoutable qui nous fait ignorer certains éléments pour préférer tout ce qui va dans le sens de nos opinions, convictions ou souhaits.

 

 Au sein de l’entreprise les affirmations officielles ; ce qu’il fallait penser étaient préférées à la réalité et aux faits. Ce phénomène se retrouve également dans les sectes où l’on voit des collectivités entières se couper de tout esprit critique. Les choses n’ont pas besoin d’être vraies pour être crues.

 

Certains auditeurs travaillant pour des cabinets d’audits extérieurs depuis 2010 avaient alerté mais n’étaient pas écoutés. L’histoire était trop belle (changer le monde et la vie des patients) pour que la réalité trop cruelle puisse être écoutée.

 

Comment se prémunir ?

Nous devons nous méfier de ce que nous croyons.

Avant toute décision qui comporte des conséquences ; il convient de tenter une démarche d’exhaustivité dans la collecte des informations et faits ; Puis veiller à considérer les points qui ne nous plaisent pas a priori.

Ainsi notre avis sera un peu plus éclairé et peut-être éviterons nous cette tentation à l’aveuglement que le biais de confirmation facilite.

 

2.

Le biais de halo

L’influence des figures d’autorité et experts

Theranos comptait dans son tour de table plusieurs secrétaires d’état US très connus, un ancien général des marines,  et plusieurs chefs d’entreprises où grandes fortunes du pays.

 

Bref des personnalités dont, sans réfléchir, on pouvait affirmer que si c’est gens-là en sont c’est que l’affaire est de qualité.

 

Nous avons été éduqué dans le respect des figures d’autorité. Dans le culte de ceux qui sont diplômés, pourvus de titres, puissants, riches, et ont réussi.

 

Cette affaire a démontré que ces membres ne connaissaient rien ou peu de choses à ce qui se passait ; on parfois manqué d’esprit critique ou de suite dans les idées et se sont contentés d’explications générales.

 

Par contre ils ont involontairement donné une caution forte à ce qui s’est avéré qu’un immense gâchis.

 

 

Ma deuxième remarque : ça n’est pas parce qu’on a réussi certaines choses que l’on réussit, tout, par principe. Chaque nouveau projet est une nouvelle aventure. Nous devons exercer notre esprit critique et conserver notre autonomie de décision ; ça n’est pas parce que c’est affirmé par une figure d’autorité ou un expert que c’est vrai.

Par confort nous avons, parfois, tendance à nous en remettre à un avis extérieur.

Si nous souhaitons préserver notre liberté, notre autonomie de penser (à la fin c’est nous en paieront les conséquences) il convient de tenter de penser par soi-même.

3.

Le biais de groupe

La communication dévoyée

Si un groupe pense majoritairement une chose ; nous aurons tendance à suivre cet avis. L’être humain est ainsi fait son appartenance au groupe est important. Il privilégie le consensus à l’esprit critique. 

 

 

La communication pourrait se définir comme la volonté de porter à la connaissance des personnes à qui l’on s’adresse son message.

 

Mais justement ce message est porté par quoi ; des faits, des idées à partager, des opinions, des mensonges, des contrevérités, une sordide manipulation ?

 

Est-ce une communication fondée sur une intention propre ou y a-t-il un agenda caché ?

 

Il vous suffit de maîtriser les codes de la communication, du storytelling, de l’émotion partagée au bon moment et de la bonne manière pour embarquer votre auditoire avec vous.

 

Il existe même des services communication qui vont vous fournir des éléments de langage ; ce kit prés à l’emploi de ce qu’il faut dire afin de présenter les choses de la bonne manière.

 

De mauvais résultats en finance par exemple deviendront un exercice de transition…

 

Les communicants vous fourniront la syntaxe de ce qu’il faut dire ; vous permettant de pouvoir affirmer au monde « mais oui on vous l’a dit » tout en évitant la prise de conscience de la réalité des faits.

 

Lesquels faits vont parfois à contre-courant de l’histoire que l’on aimerait raconter…

 

 

Regardez cette image dessous de celui que l’on peut considérer comme un véritable créateur. Steve Jobs a compris l’importance de la communication et du storytelling au service d’Apple.

 Sauf que lui a défendu une vision et vendait des ordinateurs et a inventé des produits avec Apple qui ont changé le monde.

Mme Holmes avec une intelligence indéniable a copié ses codes avec efficacité au service d’une belle histoire sans lien avec le réel.

Ma troisième remarque : la communication doit être au service de la vérité, des faits, du réel.

Malheureusement cela fonctionne très bien également quand on met son art de la communication ou du marketing au service d’objectifs cachés inavouables et manipulatoires.

Soyons tous collectivement méfiants vis-à-vis de la communication afin de s’attacher aux faits, à la réalité ; contrôlons ce qu’il y a derrière.

A défaut nous serons toujours victimes de la forme brillante qui sert un dessein qui l’est moins.

Notre époque est trop sensible à la forme sur le fond.

Conclusion

A l’aire de l’infobésité dont la qualité n’est pas toujours au rendez-vous ; si on y ajoute notre propension naturelle à déformer la réalité…

On imagine assez bien les conséquences !

La bonne distance consisterait à  tenter chaque fois que possible de s’en tenir aux faits, à la réalité et d’être conscient de ses propres biais cognitifs.

Nous serons, peut-être moins sensibles aux manipulations et erreurs de jugements.

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